STRUCTURES DU FRANÇAIS CONTEMPORAIN

    L'ANCIEN FRANÇAIS

On peut faire coïncider le début de l'histoire de France avec l'arrivée des Francs, qui sont à l'origine de son nom (pour la période antérieure, il s’agit de la Gaule), et qui, prenant part au mouvement des grandes invasions germaniques du Ve s., exercèrent bientôt leur suprématie en Gaule, en dépit de leur nombre relativement restreint et du retard de leur civilisation. Leur force résidait en partie dans la personnalité de leurs chefs, dont les plus marquants furent Mérovée, Clovis, puis Dagobert chez les Mérovingiens, puis, quand les Carolingiens, maires du palais d'Austrasie, purent s'imposer, grâce à la dégénérescence des «rois fainéants», Pépin de Herstal, Charles Martel (vainqueur des Sarrasins à Poitiers en 732), Pépin le Bref, qui parvint à la royauté, et surtout Charlemagne qui rétablit l'unité du monde occidental et déplaça le centre de l'autorité franque vers l'E. Mais le plus grand facteur de réussite des deux dynasties fut leur lien avec l'Eglise : Clovis, en se faisant baptiser à Reims (496) devint le seul roi non hérétique au milieu d'Ariens. Cette conversion lui acquit l'appui de l'Église et constitua en outre un facteur d'assimilation entre Francs et Gallo-romains. De la même façon, Charlemagne, après Pépin le Bref, se fit le champion de la papauté face au péril lombard et byzantin, et son sacre à Rome (800) lui valut un prestige spirituel considérable. V. Charlemagne. De même qu'elle en avait bénéficié, l'expansion des monarques francs accéléra la diffusion du christia­nisme : encore très lente au VIe s., malgré les efforts des conciles, malgré le monachisme irlandais et bénédictin (saint Colomban), elle connut ensuite une stagnation jusqu'à l'avènement des Carolingiens qui restaurèrent l'institution épiscopale, entreprirent une réforme générale (Pépin le Bref réunit trois conciles) et encouragèrent l'action de saint Boniface ou de saint Benoît. Au IXe s., les derniers îlots de paganisme étaient résorbés. — Ces royaumes furent fragiles, d'abord à cause du problème des successions, qui amenèrent de nombreux partages et des luttes incessantes. Le royaume de Clovis se trouva divisé entre ses quatre fils et ne devait être reconstitué fugitivement que sous Clo­taire* II et Dagobert* 1er (v. 613-639). Il donna naissance notamment à l'Austrasie et à la Neustrie*, dont la rivalité occupa toute la fin de l'époque mérovingienne. L'empire de Charlemagne connut le même sort, malgré l'Ordinatio Imperii de Louis le Pieux (817); en 843, Charles le Chauve reçut au traité de Verdun la Francia Occidentalis, distinguée par sa langue romane, mais qui devait se restreindre encore au cours de son règne, se limitant au N. de la Loire. Cependant la plus grande faiblesse des deux dynasties résida dans l'émiettement du pouvoir politique dû au développement de la féodalité et lié à l'évolution des structures économiques. En effet, comme elles durent poursuivre la lutte des Romains contre les Germains (entreprises contre la Thuringe et la Bavière, au VIe s., puis contre les Saxons), ces dynasties héritèrent les structures économiques et sociales de la fin de l'Empire. La conception franque du roi — chef de tribu, dont le royaume est une possession personnelle, et non plus un État — accéléra encore le recul du pouvoir central au profit des grands propriétaires, indépendants, chefs francs que le roi ne pouvait s'attacher qu'en leur donnant des terres, ou aristocrates gallo-romains, qui faisaient échec aux «comtes», seuls représentants de l'autorité royale. La terre était devenue la seule source de richesse : l'expansion islamique et la chute de l'Empire romain avaient fait totalement disparaître le commerce, qui s'était maintenu jusqu'au VIe s., entraînant la raréfaction de la monnaie. La civilisation urbaine acheva de disparaître au profit des domaines, de plus en plus importants, consolidés par les invasions, où esclaves et tenanciers s'étaient «donnés» aux propriétaires, en échange de la protection militaire et de l'usufruit. Le terme de «franc» en arriva à désigner au VIIe s. non plus un peuple, mais une classe minoritaire restée libre. Le recul démographique fut considérable, les moeurs devinrent très frustes et le déclin de la culture et de l'art atteignit même les techniques et l'artisanat (seule subsista la métallurgie : orfèvrerie, joaillerie). Les Carolingiens, contraints de la même façon à encourager le développement de la féodalité, échouèrent à rétablir l'Empire romain en raison du caractère domanial de l'économie, malgré une légère reprise des échanges au début du s. L'oeuvre juridique, législative, financière de Charlemagne, quoique considérable, resta souvent lettre morte, et l'autorité des missi dominici, limitée et très temporaire. La renaissance culturelle et religieuse qui accompagna le redressement politique, si décisive qu'elle ait été face aux invasions et à l'Empire byzantin, eut, elle aussi, un caractère très partiel et n'affecta qu'un milieu restreint, essentiellement clérical, que ses intérêts, son mode de vie et son idéologie séparaient de la masse. La féodalité, qui se renforça encore au IXe s., acheva de faire disparaître un pouvoir central incapa­ble de résister aux invasions qui se multiplièrent alors (Scandinaves à l'O., qui acquirent la Normandie; Hongrois; Sarrasins, qui parvinrent jusqu'à Paris en 886, date où ils furent arrêtés par le comte Eudes). A la fin du siècle, le royaume n'était plus qu'une poussière de plus de trois cents comtés quasi indépendants.

En 987, un descendant d'Eudes, Hugues Capet fut élu roi. Jusqu'au XIIe s., la dynastie capétienne resta trop faible pour prendre part aux grands événements politiques de l'époque : le roi de France n'intervint ni dans la conquête de l'Angleterre ni dans la lutte entre l'Empire et la papauté. Tandis que le pouvoir était passé aux mains du clergé ou des seigneurs (les trois «ordres, qui allaient persister jusqu'à la Révolution, étaient désormais constitués), la royauté pouvait apparaître comme une fonction essentiellement spirituelle et inefficace. Cependant, alors qu'elle s'exerçait encore au IXe s., en pleine décomposition féodale, elle devait se trouver au milieu du XIIe s. en position de force. Les Capétiens eurent en effet l'habileté d'établir immédiatement le principe de l'hérédité royale, en faisant sacrer leur fils de leur vivant, avantage dont ne disposaient pas les empereurs, par exemple. Leur attitude soumise vis-à-vis de l'Eglise, contraire à celle du roi d'Angleterre ou de l'empereur, leur acquit son soutien : c'est en France que fut prêchée la première croisade, par un pape français, Urbain II, et les croisés furent désignés par le terme de «francs». Le monachisme y connut un grand épanouissement (Cluny : réforme grégorienne; Cîteaux; Clairvaux : mouvement cistercien). L'art roman, immense mouvement de renaissance architecturale et plastique, qui devait être suivi par le développement du gothique, y fut abondamment représenté. Enfin, les rois, surent exploiter leur situation privilégiée au coeur du système féodal. A la tête eux-mêmes d'un important domaine foncier, ils peuvent être considérés comme des seigneurs qui auraient peu à peu étendu leurs possessions à presque toute la France (fin du XIIIe s.). Leur position de suzerain leur permit, quand ils disposèrent d'une puissance suffisante, de s'immiscer dans les affaires de leurs vassaux, et éventuellement de s'emparer de leurs biens. Louis* VI inaugura une politique de «justicier». qui allait être constamment poursuivie par ses successeurs, avec succès, malgré la perte de l'Aquitaine lors de la répudiation d'Aliénor par Louis VII. Elle permit au roi de se substituer peu à peu à la féodalité, à la faveur du conflit qui l'opposait à la bourgeoisie naissante. — Cette époque vit en effet la renaissance et l'émancipation des villes, fondées sur une fonction essentiellement commerciale, et aux mains d'une bourgeoisie née, elle aussi, du renouveau de l'économie, sensible du Xe au XIVe s. L'améliora­tion des techniques agraires (substitution du fer au bois, amélioration du collier, exploitation de l'énergie hydraulique, assolement triennal) entraîna un remarquable essor démographique (on estime que la population passa de 8000000 v. l'an 1000 à 20000000 v. 1300), accompagné du progrès du défrichement. La circulation des hommes (pèlerinages à Rome, à Jérusalem, à Saint-Jacques-de-Compostelle) reprit comme celle des marchandises et des biens. Le commerce, bénéficiaire des croisades, réapparut et se perfectionna : !es marchands se groupèrent en guildes ou hanses, la lettre de change apparut dans les foires de Champagne qui furent le centre de la vie économique de l'Europe médiévale, situé sur la route commerciale des draps de Flandre et des épices d'Italie. Malgré les nombreux conflits qui troublèrent les villes (entre artisanat et patricial, dans les Flandres, par exemple) ou les campagnes (croisade* des enfants, 1212; Pastoureaux*, 1251), l'évolution sociale se fit plus sensible au XIIIe s., par la mobilité de la société et la disparition progressive du servage. De cet ensemble de progrès qu'elle avait favorisés, la royauté tira un prestige accru.

Le rayonnement français au XIIIe siècle. Le XIIIe s. marqua en effet l'apogée de la puissance française au Moyen Age, et son hégémonie en Occident. L'O. du pays fut acquis par Philippe* II Auguste, qui mena une lutte heureuse contre l'Angleterre, et remporta à Bouvines* (1214) la première victoire réellement «française» face à une coalition euro­péenne. La croisade des albigeois* consacra la défaite du S. du pays devant le N., et assura, au prix d'une diminution forcée de la culture occitane, l'unité du royaume, auquel ne manquait plus que la Guyenne. Paris était alors une des villes les plus importantes de l'Europe, et le rayonnement de son université s'étendait à tout l'Occident, représentant celui de toute une civilisation française, largement ouverte aux influences étrangères (littérature des dialectes d'oil; architecture avec l'art dit gothique, originaire de l'Île-de-France; polyphonie...). Avec Louis* IX, le roi de France bénéficia d'un grand prestige spirituel, renforcé par son rôle dans les croisades, et devint l'arbitre des conflits européens. Les progrès de l'administration, continuels depuis Philippe Auguste, attei­gnirent sous Philippe* le Bel un grand développement et assurèrent partout la représentation de l'autorité royale. La formation d'une classe de légistes, familiarisés avec le droit romain, entraîna une conception nouvelle de l'Etat, dans lequel le roi n'était plus un seigneur, mais la représentation vivante de la loi. Elle devait provoquer le conflit qui opposa Philippe le Bel à l'Eglise (affaire des Templiers*, attentat d'Anagni*). Elle fut également à l'origine de la première réunion d'états* généraux (1302). L'idée d'Etat se doublait enfin d'un sentiment national, opposé à l'universalisme du XIIIe s. et qui allait s'épanouir au siècle suivant.

 

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LANGUE  D'OC   ET  LANGUE D'OIL

LE DOMAINE DE LA LANGUE FRANÇAISE

 

LE DOMAINE DE LA MONARCHIE FRANÇAISE