STRUCTURES DU FRANÇAIS CONTEMPORAIN

     

   PHONOLOGIE

 

     I. Les   difficultés  phonologiques

 

        Les difficultés phonologiques des anglo-saxons en français:

   

Les problèmes habituels de prononciation des étudiants anglophones

Problèmes de rythme: placement de la syllabe accentuée sur un mot qui se traduit par un déséquilibre dans le schéma rythmique et mélodique de l'énoncé auquel s'ajoute la neutralisation des syllabes inaccentuées, provoquant la disparition ou la transformation de la voyelle inaccentuée surtout en fin d'énoncé.

I like Luke a lot.         J'aime bien Luc
I gave the book to her.  Je lui ai donné le livre.

Problèmes mélodiques: mauvaise reproduction des patrons mélodiques de base du français, mauvais découpage en groupes rythmiques et donc mauvais placement des syllabes accentuées qui doivent toujours se trouver sur la dernière syllabe articulée du groupe rythmique.

Le  professeur  organise  son cours  /  selon  une   excellente progression.
 

Problèmes d'articulation des consonnes et voyelles:

-- une tension articulatoire trop faible provoquant la prononciation de diphtongues ou triphtongues (surtout en fin de groupe).

-- un mauvais placement des organes articulatoires (langue, lèvres, mâchoire...) provoquant un changement dans la nature de la voyelle. [y] /[u]

-- un mauvais placement des organes articulatoires (langue, lèvres, mâchoires...) provoquant un changement dans la nature de la consonne. Pb en particulier des affriquées; le français n'a pas de consonnes affriquées comme dans l'anglais church, judge. A l'instar des diphtongues, la tension les a progressivement éliminées de la langue au cours de la deuxième moitié du Moyen Age. Si les occlusives ne s'affriquent pas en français moderne, c'est que la séparation des organes en contact se fait bien plus vivement qu'en anglais. Comparez tu tires prononcé par un Français:[ty tiR] et prononcé par un Anglais: [tsy tsi].

Toutes les consonnes pour lesquelles la pointe de la langue entre en jeu sont plus antérieures en français qu'en anglais. Compte tenu du fait que l'anticipation vocalique est plus nette en français qu'en anglais, la prépondérance des voyelles antérieures sur les voyelles postérieures a pour effet d'antérioriser les consonnes françaises. Ainsi, dans [t], [d], [n], [l] la pointe de la langue se dirige, non vers les alvéoles ou le palais, comme en anglais, mais franchement vers les incisives supérieures. Comparons set, said, sane, sell, à cette, cède, saine, celle.

-- une anticipation de la consonne (syllabation fermée de l'anglais) sur la voyelle provoquant un changement de la nature de cette voyelle.

-- Déplacement articulatoire habituel de la réalisation des lettres /r/ et /l/ ([r]/ [R])

Notons que les erreurs dans les phénomènes de liaison, d'enchaînement consonantique et vocalique du français découlent directement de la tendance à la mauvaise réalisation de la syllabation ouverte du français qui demande une force d'articulation sur la voyelle inhabituelle pour un locuteur anglophone.

         Les difficultés articulatoires :

 

    

 

  Les   16 voyelles  (orales/nasales) du français

 

 

Les 3  semi-voyelles  [ j ]         [ w ]         [ r]

 

 

  [j]  miel [mjel], lion [ljM] ], fille [fij], abeille [abej], faille [faj]
 [w]  oui [wi], roi [rwa], toi [twa]
 [r] lui [lri], nuage  [nraz] ,  menuet  [mcnre]

 

II. Les   difficultés  prosodiques

 

A. LA SYLLABE :

C'est la plus petite unité de combinaison de sons de l'énoncé. La syllabe est ainsi l'unité minimale d'unités segmentales (morphème) et supra-segmentales plus grandes les mots I les groupes rythmiques.

a) Syllabe ouverte et syllabe fermée:

On dit qu'une syllabe est ouverte quand elle se termine par une voyelle prononcée. La syllabe française est fondée sur le vocalisme; i.e. la syllabe française s'articule sur la voyelle, de sorte qu'en français il y autant de syllabes qu'il y a de voyelles (exception faite des semi-voyelles).

BOU-TON / FON-DA-MEN-TAL

En anglais, au contraire le syllabisme s'articule sur les consonnes. Le vocalisme des syllabes explique le fait que la tendance du français consiste à multiplier les syllabes ouvertes. La syllabe fermée est une syllabe terminée par une consonne prononcée : DOC-TEUR

b) La tension syllabique

En français la tension syllabique est maintenue durant l'articulation complète et se renforce même à la fin lorsque la syllabe est ouverte, du fait de la tension articulatoire impliquée par la voyelle.

c) Division syllabique :

Du fait de la tendance à la syllabisation ouverte, le français possède une tendance à couper la syllabe après la voyelle et à placer la consonne qui suit dans la syllabe suivante. FON- DA-MEN-TAL : cv-cv-cvecvc

Certaines règles organisent la division

Formation de syllabes ouvertes

une consonne entre deux voyelles appartient à la syllabe qui suit

A-LLER / 0-TER / TE-LE /

même si celle-ci est redoublée. Attention lorsque l'on a une voyelle nasale, la consonne appartient à la syllabe précédente puisqu'elle n'est pas prononcée :

LAM-PA-DAIRE / POM-PEUX

- Lorsque l'on a un groupe de 2 consonnes dans lequel la seconde consonne est un R ou un L , les deux consonnes appartiennent à la syllabe suivante :

PA-IRON / E-CLAT

- Lorsque la consonne est suivie par [j] (yod) [w] ou [ q ]

A-VOUER [ a-vwe] assiette [a-sj t]

Formation des syllabes fermées

- Lorsque deux consonnes se suivent (sauf R et L) elles se séparent.

FAC-TEUR [fak-t R]

B. PROSODIE

a) GROUPES

Le rythme du français parlé est essentiellement déterminé par ce procédé prosodique grâce auquel la chaîne sonore est divisée en morceaux dont chacun correspond, si la division est faite correctement, à une unité de contenu indépendante (syntagme). Si l'on mettait un tel accent sur chaque mot de notre exemple: Monsieur Duval est son fils, ceci donnerait l'impression d'une énumération de vocables sans rapport les uns avec les autres (une liste de mots dans un dictionnaire). Certains phénomènes phonologiques — la liaison, l’enchaînement le jeu des [ c ] instables, le hiatus — n'ont lieu qu'à l'intérieur du groupe rythmique et qu'il y a par conséquent entre les groupes des frontières à franchir qui n'existent pas à l'intérieur de ceux-ci.

L'étranger doit observer que le Français réunit les mots en groupes beaucoup plus que dans la plupart des autres langues européennes. Il doit surtout penser aux combinaisons substantif+attribut(s). On dit en un seul groupe un enfant, un petit enfant; un petit enfant français; et un petit enfant français génial (avec un seul accent sur la dernière syllabe), de même un grand verre; un verre rouge; un grand verre rouge, etc. Dans la phrase courante, le français n'a pas la possibilité d'opposition qui existe par exemple dans les langues germaniques entre un adjectif accentué et le même adjectif inaccentué.

 

b) GROUPE RYTHMIQUE Un groupe rythmique est essentiellement un groupe de mots terminé par un accent et une pause. Cette pause marque une délimitation importante pour le sens, indiquée par un signe de ponctuation (virgule, point, etc.) ou imposée par la longueur des groupes prononcés. Les mots se groupent entre eux pour former ce qu'on appelle un « groupe rythmique ». Un groupe rythmique est un groupe de mots qui représente une idée (constitue un ensemble sémantique), correspond à une fonction grammaticale dans la phrase, et est caractérisé par un ensemble de phénomènes phonologiques souvent rencontrés exclusivement en franèais.

Il n’y a pas de groupe rythmique s’il n’y a pas d’abord une unité de sens (ou une unité sémantique distincte). Un mot simple constitue rarement un groupe rythmique. La plupart du temps selon la dimension des unités syntaxiques, le sujet (thème) et le prédicat (rhème) constituent chacun un groupe rythmique.

Il mange. 1 groupe

Le cousin de ma sœur // a acheté une nouvelle volvo 2 groupes

Sans le train / et sans avion/ il est difficile de se déplacer/ ; il reste la voiture. 4 groupes

Le groupe peut être très court ou très long, selon le nombre de syllabes des mots employés. Il ne faut pas confondre le groupe rythmique qui est un ensemble sémantique et phonologique avec le groupe de souffle qui est lié à la physiologie du locuteur.

Les aspects phonologiques suivants servent à renforcer le rôle du groupe rythmique :

1. INTONATION

2. ACCENT RYTHMIQUE (DE GROUPE)

L'accent tonique est l'accent normal du français, lorsqu'on parle sans émotion, sans affectation, sans insistance expressive. La voyelle qui reçoit l'accent est appelé accentuée. Les autres voyelles sont dites inaccentuées. L'accent tonique est toujours placé sur la dernière voyelle prononcée. Lorsqu'un mot entre dans un groupe, il perd son accent au profit du groupe. Comparez

Monsieur Monsieur Jean Monsieur Jean Dupont

Dormez Dormez bien Dormez bien vite

Approchez Approchez-vous Approchez-vous de moi

Un groupe rythmique peut s'allonger par adjonction d'un ou plusieurs mots. L'accent tonique se déplace alors et l'intonation devient presque plate à l'intérieur du groupe, car, en devenant inaccentués, les mots précédemment accentués perdent leur intonation montante ou descendante.

3. ENCHAINEMENT

L'enchaînement vocalique

est le fait de lier la voyelle finale prononcée d'un mot à la voyelle qui débute le mot suivant. Les mots sont enchaînés en un seul groupe de souffle, sans qu'il y ait de coupure de voix entre eux. L'enchaînement vocalique se fait naturellement et la structure syllabique reste intacte, comme le suggère les exemples suivants:

tu as vu Paul [tyavyp] l] tu iras au paradis [ tyiRaopaRadi]

Dans cette séquence, [y] est enchaîné avec[a] dans un même groupe de souffle (il n'y a pas de pause de la voix entre les sons). Il se produit un hiatus qui est surmonté dans le sens de la continuité contrastive.

Il faut donc notez que l'enchaînement vocalique diffère du phénomène de transition articulatoire que l'on remarque lors de la transformation d’une voyelle en semi-voyelle lorsqu’elle est suivie d’une voyelle. En effet, l'enchaînement vocalique conserve la netteté articulatoire (contraste) et la valeur de syllabe des deux voyelles enchaînées tout en produisant l'impression d'un son continu,

La transition articulatoire, quant à elle, fait en sorte que le contact entre la semi-voyelle et la voyelle qui suit ne produise qu'une seule et même syllabe :

lui [lr i]

Dans le second cas, il s'agit d'une transition articulatoire; la semi-voyelle [r ] et la voyelle [i] dans "lui" ne forment qu'une seule et même syllabe.

Toutefois, dans le parler très familier et populaire le locuteur affaiblit l'articulation et le son entendu est une semi-voyelle : [tr avyp] l].

L'enchaînement consonantique

L'enchaînement consonantique est le fait de lier la consonne finale normalement prononcée d'un mot à la voyelle qui débute le mot suivant.

L'enchaînement à pour effet de modifier la structure syllabique des deux mots qui se suivent, lesquels sont désormais prononcés en un seul groupe, c'est-à-dire sans qu'il y ait de pause entre eux deux :

Car il faut donc elle viendra

L'enchaînement vocalique peut aussi impliquer la non prononciation de la voyelle e-sourd (muet/caduc) qui suit la consonne et lui donne son articulation :

tête arrondie [te taRôdi]. Monde en folie [môdãf] li]

Contrairement à ce qui se passe dans le cas de la liaison, il n’y a pas de formation de son parasitaire. [te tkony] [môdsyR].

4. LIAISONS

La liaison est un phénomène phonologique qui produit l’apparition d’une consonne parasitaire afin de faciliter la cohérence phonologique dans un groupe rythmique. La liaison est un élément très important de la prosodie de la phrase française. Ce sont les liaisons qui permettent de maintenir la distribution des groupes rythmiques et donc le placement de l'accent. Il faut donc insister auprès des étudiants pour qu'ils respectent au moins les liaisons obligatoires. La liaison n'est pas ornementale, elle est constitutive du système de la phrase française

Les consonnes finales, c’est-à-dire à la fin d’une syllabe accentuée ne se prononcent plus dans la langue de la cour depuis le XIVe siècle. Il y a liaison lorsque la consonne finale d'un mot (écrite, mais non prononcée, devant consonne ou h aspiré) se prononce devant voyelle ou h muet. Par exemple le mot petit se prononce de deux manières selon sa distribution dans la séquence :

Un petit train.           Un petit ami               Les petits suppléments            Les petits enfants

                                           -----      &nnbsp;                                                                                 -----

 

A) Consonnes de liaison.

Les seules consonnes de liaison fréquentes sont [z], [t], [n].

La liaison avec [R] n'est fréquente qu'avec quelques adjectifs comme : léger, dernier, premier (les seuls couramment employés). La liaison la plus fréquente est avec [z].

Remarques.

Dans les terminaisons - RS ou - RT on ne fait pas la liaison avec S ou T mais on fait l'enchaînement avec le R :

Je dors encore [ ] il part à pied [ ]

-- Mais on fait toujours la liaison avec le pronom personnel : dort-il [ ] sort-elle [ ]

-- On peut faire la liaison ou l'enchaînement avec fort et toujours :

fort agréable [ ] toujours utile [ ]

-- La consonne [p] n'existe, dans la liaison, qu'avec les mots trop et beaucoup ; mais cette liaison disparaît de plus en plus dans la langue familière.

trop aimable [ ] beaucoup aimé [ ]

-- La consonne [k] n'existe que dans l'expression consacrée sang impur [ ] de La Marseillaise. La liaison avec le mot long peut être [k] ou [g]. Elle est très rare.

-- Les liaisons avec [z] peuvent représenter les graphies s, x et z, les liaisons avec [t) peuvent représenter la graphies T et D. (voir schéma suivant).

La prononciation correspond toujours aux graphies pour [n] et [R].

B) Les type de liaisons.

En français il y a trois types de liaisons :

Obligatoires : On les fait toujours quel que soit le style parlé.

Interdites On ne les fait jamais dans la langue quel que soit le style parlé.

Facultatives : On peut les faire ou non, elles dépendent du niveau de langue pratiqué.

1. Liaisons obligatoires et équivalences graphiques.

Toutes les liaisons obligatoires peuvent être résumées ainsi :

Liaison obligatoire entre :

1. Un déterminant + un substantif

Article, Adjectif, Auxiliaires, Nom, Pronom, Formes pleines du Verbe

Pronoms (mots inaccentués) (mots accentués)

on a / tout arrive / nous avons

2. Après le verbe "être" :

c'est un enfant / c'était étrange / c’était une surprise

4. Entre le verbe et le pronom personnels lorsque celui-ci suit :

dit-il / écrivait-il

5. Après la plupart des termes monosyllabiques invariables (prep.,adv.,con) :

sous un train / chez eux / trop aimable

6. En forme figée

tout à coup / dos à dos

le tableau suivant montre les consonnes de liaison habituelles, avec la distribution: graphique correspondante:

Effets de la liaison

1° En général la liaison n'a pas d'effet sur la voyelle précédente.

Comparez : les — les amis; vient — vient-il; dernier — dernier étage

un — un ami en — en été on — on a dit

 

2° Mais la liaison entraîne la dénasalisation des voyelles suivantes [: e ] devient [e ] dans la liaison avec tous les adjectifs. Comparez :

moyen moyen âge moyenne

certain certain âge certaine

[ô] se dénasalise toujours dans la liaison du mot bon. Comparez :

bon ami [ ] — bonne amie [bonami]

[ô] peut se dénasaliser ou rester nasal dans la liaison avec les seuls mots : mon, ton, son. Comparez :

ton ami [tonami] ou [tônami]

30 Remarques.

* Dans le cas de la liaison avec [R] précédé de [e], comme dans dernier étage, si l'on peut entendre [dernjereta¥ ], avec un [e ] final, c'est parce que la voyelle [e] inaccentuée est moins fermée qu'en position accentuée et non à cause de la liaison.

* Noter la dénasalisation exceptionnelle : Divin Enfant [divinãfã].

.

3. La plupart des liaisons se font avec le son [z]et servent à marquer le pluriel. Les cas où l'opposition singulier/pluriel repose uniquement sur ta liaison sont rares. Dans la plupart des cas le pluriel est déjà marqué par le changement de forme de l'article. Comparez :

il entre – ils entrent [z] une seule marque du pluriel.

l'ami – les amis [ez] deux marques du pluriel

un ami – des amis [dez] trois marques du pluriel

4. L'opposition [t] – [d] peut marquer la différence entre le masculin et le féminin (liaison/enchainement)

grand enfant [grãtãfã] – grande enfant [grãdãfã]

5. Par contre la liaison en provoquant la dénasalisation neutralise certaines oppositions :

certain ami [ ] – certaine amie [ ]

Un autre rôle de la liaison semble celui d'assurer l'intelligibilité. Elle apparaît

souvent dans des mots très courts, inaccentués, avant le verbe ou le nom :

est-elle [ ] vient-il [ ] grand enfant [ ] on a rit [ ]

2. Liaisons interdites.

1. A la limite de deux groupes rythmiques : j'ai vu les nouveaux / avec Paul

2. Lorsque le mot est suivi d'un signe de ponctuation : femmes, enfants.

3.Lorsque le mot suivant commence par 'h' aspiré : de beaux haricots

4. Après 'cent' :cent un

5. Entre un substantif singulier et l'adjectif qui le suit : une nation importante

6. Entre un nom singulier et le verbe qui suit : le bruit enlève.

7. Entre un nom singulier et un invariable qui suit : le tricot avec le chapeau

8. Après la conjonction 'et' : Paul et Auguste /

9 . Après les adverbes interrogatifs : Quand arrive le train ?

3. Liaisons facultatives : (de moins en moins en usage)

1. Entre un substantif pluriel et un adjectif, un verbe ou un invariable :

des soldats anglais / des pommes et des pêches/

2. Entre une préposition polysyllabique et le groupe nominal :

depuis un an / après avoir fait cela

3, Entre un verbe conjugué et un adjectif (ou pp), un adverbe ou un autre verbe

je suis amusé / tu ris aimablement / je vais aboutir

 


 

 

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